Lors de sa séance du 16 avril 2019, le CNESER a rejeté le projet de création de cinq mentions de licence STAPS, par 4 voix pour, deux abstentions et 19 voix contre (notamment le SNESUP, le SGEN-CFDT, la CGT, et les organisations étudiantes). C’est un projet sur lequel nous travaillons depuis un an, qui nous semble essentiel pour l’employabilité de nos étudiants, et nous avons du mal à comprendre la défiance du CNESER, que nous ne pouvons guère attribuer qu’à une méconnaissance profonde de l’offre de formation des STAPS et de son fonctionnement.
On nous a dit que ce vote ne portait pas uniquement sur les mentions STAPS, mais qu’il s’agissait d’une modification plus large du cadre national des formations. En effet le projet de modification évoquait aussi sur une précision du périmètre géographique de la mention « théologie », et un changement de dénomination de la mention « sciences du médicament ». Sujets sensibles s’il en est. On ne sait pas vraiment si ce vote était une manifestation d’opposition de principe à toute évolution du Cadre National des Formations, dans un moment fusionnel intersyndical assez exceptionnel, ou si c’est spécifiquement le projet des STAPS qui était visé. On attend toujours une explication de texte crédible.
Revenons sur la proposition de création des cinq mentions de Licence STAPS, bien que nous nous soyons déjà amplement expliqués à ce sujet. Les STAPS ne sont pas définies par une discipline scientifique, mais par un domaine d’activité, les activités physiques et sportives. Les secteurs de professionnalisation dans ce domaine sont variés, et historiquement cinq spécialités ont émergé (l’éducation, l’entraînement sportif, la réhabilitation pour l’activité physique adaptée, le management, et l’ergonomie). Spécialités requérant des compétences tout à fait spécifiques, même si une culture transversale les traverse de manière évidente.
Dès 2013, lors de la mise en place du Cadre National des Formations, la C3D avait voté une motion contre le regroupement de ces spécialités dans une seule mention. Un courrier co-signé par le C3D, le CNU 74 et l’ANESTAPS avait été envoyé à la DGESIP dans ce sens. Ironie de l’histoire, le SNESUP et le SNEP avaient également dans une déclaration du 21/06/2013 pointé les risques du resserrement des spécialités de STAPS en une seule mention, notamment pour l’employabilité des étudiants. Nous les renvoyons à leurs archives… La DGESIP avait d’ailleurs reconnu assez vite que c’était sans doute une erreur pour les STAPS, notamment parce que trois des spécialités de Licence STAPS étaient inscrites au code du sport, donnant droit à l’obtention d’une carte professionnelle.
Notre vision de la démocratisation de l’enseignement supérieur nous pousse avant tout à favoriser la réussite des étudiants et à leur délivrer des diplômes qui leur permettront une bonne insertion professionnelle. Les étudiants s’orientant vers STAPS sont le plus souvent issus de milieux populaires et le taux de boursiers y est important. Le rapport de ces étudiants aux études universitaires peut être jugé utilitariste, mais c’est une donnée que nous devons prendre en compte. C’est ce qui explique que très tôt la réflexion sur la professionnalisation a été engagée par mes prédécesseurs au sein de la C3D, et continue aujourd’hui.
Nos diplômes doivent pour cela être reconnus par les employeurs, et nous savons que le principal bassin d’emploi, dans notre secteur, se situe à Bac+3 (d’ailleurs selon l’enquête réalisée cette année avec le GAREF, entre 44,3 % et 64,4% des diplômés de licence vont sur le marché du travail (63% pour Activité Physique Adaptée-Santé, 51% pour Education et Motricité, 64,4% en Entraînement Sportif, 44,3% en Management du Sport). Afficher une licence STAPS généraliste, c’est mettre en difficulté nos étudiants. Il faut avoir à l’esprit que la plupart de nos diplômés seront amenés à encadrer du public présentant parfois des besoins spécifiques, et en assurant la sécurité des pratiques. Nous sommes responsables des compétences que nous attestons à ce niveau.
Ce qui ne veut pas dire que nous basculons dans une approche adéquationniste et de formation professionnelle à court terme. Les licences STAPS sont des diplômes universitaires qui prennent en compte la diversité des métiers de chaque secteur et leurs évolutions prévisibles. Mais les STAPS préparent à des domaines professionnels qui requièrent des compétences contrastées, et ces compétences doivent être attestées au niveau licence. Le projet de création des 5 mentions répond à ce contexte. La CPNEF sport a d’ailleurs émis un avis favorable pour la création de ces 5 mentions.
Nos collègues du SNESUP, dans un courrier du 2 mai 2019, nous ont dit que la multiplication des mentions de Licence risquait de réduire la lisibilité de l’offre de formation universitaire et d’entraîner une spécialisation précoce des étudiants, remettant en cause le principe de progressivité. Il nous semble qu’un examen un peu plus approfondi du projet permet de lever l’objection. La création des 5 mentions est associée à celle d’un portail STAPS, avec une première année commune et une orientation vers les mentions qui ne s’opérera qu’au cours de la seconde année. Elle n’affecte donc en rien la visibilité des STAPS pour les lycéens. Nous préservons les passerelles et réorientations d’une mention à l’autre, comme c’est le cas aujourd’hui avec les parcours. Le passage du statut de parcours à celui de mention nous autorise par contre à accroître la part des blocs de compétences spécifiques, permettant de valoriser la reconnaissance des diplômes par les employeurs, et de mieux ouvrir nos diplômes à la formation tout au long de la vie. Nous pouvons (intellectuellement) comprendre le dogme du resserrement des mentions, pour offrir plus de visibilité aux lycéens. Mais si ce dogme rend illisible aux yeux des employeurs les diplômes délivrés par l’université, c’est un prix bien cher à payer.
Une autre objection, avancée par Pierre Chantelot (SNESUP), concerne la poursuite d’étude en master : « Avoir une seule mention du Staps permettait aux étudiants de sécuriser leur entrée en master. Face à ces 5 mentions, les masters pourront choisir laquelle mettre en avant pour leur recrutement » (Dépêche AEF du 16 avril 2019). C’est là aussi bien méconnaître le fonctionnement des études en STAPS. En effet les commissions d’admission en master regardent de très près le parcours antérieur de l’étudiant. Les candidats à une mention de master ont intérêt à avoir suivi le parcours de licence correspondant, car les équipes pédagogiques ne conçoivent pas que l’on puisse s’engager dans une mention de master à partir d’une tabula rasa ou d’une formation trop généraliste en licence. Pour certaines mentions (ES et APA-S), l’étudiant ne peut d’ailleurs envisager d’être employé avec son master s’il ne possède par ailleurs la carte professionnelle associée au parcours de Licence sous-jacent. Cela se passe sans doute différemment dans d’autres disciplines universitaires, mais c’est ainsi que se passent les choses en STAPS. Ce n’est certainement pas la « tubularité » des parcours de Licence qui génère la sélection, mais simplement les capacités d’accueil des mentions de master. La création des mentions ne changera rien à ce mode de fonctionnement.
On comprendra que la C3D ait un peu de mal à comprendre cette défiance du CNESER, sur la base des arguments présentés ci-dessus. A moins que ce vote ne soit motivé par d’autres raisons, non clairement explicitées.