Des postes pour les STAPS ?

Après les nombreuses créations de postes obtenues lors de la première année d’application de la loi ORE (selon notre dernier pointage, 65 postes second degré, 48 postes d’enseignant-chercheur, et 10 postes BIATTS), beaucoup de structures STAPS nous font remonter leurs inquiétudes quant à l’attribution de moyens pour faire face à la rentrée prochaine. Les universités annoncent d’une manière générale que l’augmentation des effectifs, tant en L1 qu’en L2, ne pourra être accompagnée que de dotations financières (1600€ par place supplémentaire), et non par la création de nouveaux postes. Cette situation, alors que le ministère s’était engagé à accompagner les filières en tension sur un plan pluriannuel inquiète un certain nombre d’UFR STAPS, qui avaient en effet planifié leurs perspectives de recrutement sur plusieurs années. Par ailleurs certaines antennes nouvellement créées auront des difficultés à assurer la seconde année, faute de pouvoir recruter des enseignants supplémentaires.

Si nous augmentons nos capacités d’accueil, ce n’est pas seulement pour réduire ponctuellement la pression, c’est aussi pour faire réussir nos étudiants. Notre engagement pour les parcours adaptés et l’amélioration de nos taux de réussite en semestre 1 en attestent. Ce sont des projets à long terme qui ne se traitent pas par de l’argent, mais par l’installation de compétences pédagogiques qui ne peuvent venir que de recrutements pérennes.

Nous avons contacté le ministère afin d’avoir une idée exacte des crédits alloués aux STAPS. Le tableau suivant récapitule l’effort financier réalisé ces trois dernières années[1]. Le ministère précise en outre qu’en effet cette année les budgets ne sont pas notifiés en postes, mais sous forme d’allocation de 1600 euros par place créée. Cependant l’argent qui est versé peut servir à financer des postes. Sauf problème de plafond d’emplois, il peut servir à recruter des enseignants titulaires et est soclé (c’est-à-dire inclus dans la dotation de manière pérenne).

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Quelques remarques cependant: le ministère réfléchit sur la base 60000 € pour un poste, les universités sont plus sur la base de 80000€ pour des postes d’enseignants. Les universités s’inquiètent également des effets à plus long terme sur la masse salariale : les enseignants recrutés sur ces postes évoluent dans leur carrière, leur rémunération aussi (et donc le GVT, or celui-ci n’est pas compensé intégralement par le ministère). Même si les dotations sont soclées, le socle ne suivra pas l’accroissement des salaires. Quand on connaît la fragilité budgétaire de beaucoup d’universités, on peut craindre que certaines hésitent à se projeter dans un avenir incertain. Certaines préfèrent recruter des enseignants contractuels, dont l’impact budgétaire est plus maîtrisable, mais évidemment l’impact pédagogique plus limité.

Par ailleurs le fléchage « STAPS » de ces budgets n’existe sans doute que dans l’esprit du ministère, qui a attribué ces sommes en fonction de remontées prévisionnelles des universités. Ensuite c’est une enveloppe globale que les rectorats ventilent vers les universités dont ils ont la charge, et chaque université flèche en suite vers ses composantes en toute autonomie. Certaines universités peuvent considérer que les STAPS avaient déjà été « servies » l’année dernière, et pourraient faire tourner le bénéfice des créations de postes, pour des raisons de politique interne.

Enfin la situation dans les UFR et départements STAPS est très contrastée. Certains sont en effet toujours en démarche d’accroissement de leurs capacités d’accueil et souhaitent pouvoir obtenir des créations de postes de titulaires. Mais lorsque l’on compile les demandes au niveau national, on n’arrive pas à plus d’une trentaine de demandes. On peut regretter la pusillanimité des UFR STAPS, mais beaucoup disent aussi avoir besoin de se poser un peu pour absorber leur nouvelle organisation et intégrer leurs nouveaux collègues. Certains nous disent aussi qu’ils manquent de locaux pédagogiques, de terrains et d’installations sportives. Et l’on ne fait pas sortir de telles infrastructures de terre d’un coup de baguette magique. La tension est également très variable d’une académie à l’autre : dans certaines tous les candidats ont pu être admis, alors que dans d’autres la pression reste importante. Enfin disons-le tout net : si dans certaines UFR l’accueil de tous les candidats est une exigence collective et assumée de longue date, dans d’autres l’accroissement des capacités d’accueil n’est pas une priorité.

Pour finir il faut savoir qu’entre l’obtention d’un support budgétaire et le recrutement effectif d’un enseignant titulaire, le chemin reste long. Il reste à négocier les profils de poste, au travers de négociations parfois délicates entre départements et UFR, et de plus en plus entre UFR et départements scientifiques. Dans certaines université, le fléchage « loi ORE » n’est considéré que comme une figure de style, si tel ou tel laboratoire peut bénéficier de la création d’un support budgétaire. Enfin ces recrutements sont loin d’être immédiats. Le recrutement sur les postes créés voici un an ne sont opérés qu’en ce moment, et les informations qui nous remontent des comités de sélection évoquent souvent la difficulté de trouver de bons candidats, correspondant aux profils déterminés par les équipes pédagogiques. Lorsque l’on recrute un collègue pour une trentaine d’années, on a naturellement tendance à être précautionneux et exigeant. Et lorsque que l’on crée beaucoup de postes, comme c’était le cas l’année dernière, la concurrence est rude entre universités.

Nous avons bien lu la lettre ouverte envoyée le 17 avril au MESRI par le SNEP et le SNESUP. Evidemment, exiger la création de 200 postes pour la rentrée 2019 est un mot d’ordre mobilisateur. Idéalement, les budgets annoncés par le ministère pourraient suffire. Mais le temps est révolu où le ministère gérait directement la masse salariale des universités, et la situation est un peu plus complexe. Le message à retenir est que contrairement à ce qui se dit dans les universités, les budgets débloqués peuvent être utilisés pour créer des postes. Mais nous savons aussi que les filtres rectoraux et universitaires risquent de gripper cette belle alchimie. Tout est affaire de négociation et de rapport de force au niveau local, et les directeurs d’UFR et de départements STAPS sont en première ligne sur ces dossiers.

[1] Le ministère ajoute que les projets d’investissement dédiés aux STAPS (construction, rénovation, location d’installation sportives,…) représentent un coût total de 11,3 M€ sur la période 2018-2022.

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