Animation sportive ou enseignement d’éducation physique et sportive à l’école ?

Le dispositif Sport, Santé, Culture, Civisme (2S2C) prévoit le recrutement au sein des écoles d’éducateurs et d’animateurs sportifs issus des associations sportives municipales. Il relève de trois préoccupations légitimes :  la nécessité de prendre en charge un maximum d’élèves alors que la distanciation sociale ne permet pas d’accueillir tout le monde en classe, augmenter le niveau d’activité physique d’une jeunesse trop longtemps confinée, et répondre aux difficultés financières des associations sportives en grande difficulté. Pour autant, ce projet nous questionne sur les représentations de nos “dirigeants” quant aux finalités et aux bénéfices pédagogiques de l’éducation physique et sportive (EPS). L’action de nos collègues professeurs des écoles ou professeurs d’EPS y est tant négligée qu’il est difficile de ne pas y voir une remise en question du bien fondé de leurs missions, de même que celui de la formation des étudiants en STAPS..

 

Nous comprenons bien les difficultés associées à la réouverture des écoles dans la situation sanitaire actuelle. Pour autant, l’arrivée non coordonnée d’éducateurs présentant des niveaux hétérogènes de formation nous inquiète. Ce qui, pour le moins ici, questionne, c’est ce dessein de contourner, sinon d’évincer, les acteurs légitimes et habituels de cette mission éducative. Pourquoi vouloir faire sans, sinon en écartant celles et ceux qui ont été formés pour cela ? Outre les enseignants d’EPS, concernés dès la fin du cycle 3 débuté au primaire, seuls les masters MEEF second degré EPS et les détenteurs d’une licence STAPS Éducation Motricité (EM) disposent dans leurs prérogatives d’emploi d’une compétence à enseigner les activités physiques et sportives en milieu éducatif comme l’indiquent les fiches RNCP. 

 

La note de mise en place du dispositif 2S2C précise qu’il « est important de distinguer l’EPS des Activités physiques et sportives » et que « l’intervention du mouvement sportif s’inscrit dans une continuité éducative, une intervention complémentaire fondée sur les objectifs définis ci-après et non en substitution de l’enseignement des professeurs d’EPS ». Nous en sommes bien d’accord. C’est justement au nom de cette distinction et complémentarité des rôles que le “sport” à l’école doit être confié à celles et ceux qui ont été formés pour l’enseigner dans ce cadre spécifique. Travailler avec des publics scolaires revient non seulement à s’adapter à leurs besoins d’enfants et d’adolescents, mais aussi à pouvoir intégrer ces actions au sein de projets pédagogiques élargis, souvent interdisciplinaires, eux-mêmes inscrits dans des programmes. 

 

Aux éducateurs sportifs revient la mission d’entraîner, de développer, d’approfondir dans un cadre de pratique volontaire (les associations, clubs) des compétences sportives qui ont pu être découvertes en EPS et/ou à l’AS. Ils ont été formés pour cela, pour une ou plusieurs disciplines sportives. Leurs compétences ne peuvent être remises en cause. Aux professeurs des écoles, à condition qu’ils y soient formés, aux enseignants d’EPS et plus largement aux diplômés de la filière “EM” d’éduquer, former, instruire TOUS les élèves, en prenant appui sur des pratiques qui dépassent le cadre du sport. Les diplômés de Licence STAPS (Bac+3) ont bénéficié de 1500 heures de formation pluridisciplinaire, scientifique et technique. Pour devenir professeur, ils s’engagent ensuite dans une formation de master (bac+5). Tant sur le plan pédagogique que sur celui de l’économie, les ignorer ou les galvauder n’apparaît pas tenable. 

 

En effet, la pratique d’activités physiques, sportives et artistiques (APSA) à l’école a pour vocation d’éduquer par et au sport, de proposer une activité physique et sportive adaptée aux caractéristiques de tous les publics : petits, grands, en situation de surpoids, d’obésité, d’asthme, de handicap…, même s’il s’agit à un moment donné de faire apprendre le sport et d’animer, divertir et/ou procurer un seuil minimal d’activité physique par le sport. Cette compétence à intervenir grâce aux APSA s’apprend et nécessite de dépasser le stade de la simple maîtrise individuelle et de la connaissance technologique d’une activité sportive. Les animateurs sportifs diplômés de niveau 4 (niveau bac !) sont-ils armés pour cela ? L’université forme chaque année dans la filière STAPS un vivier de jeunes diplômés disponibles et qualifiés qui ont abordé les spécificités de la formation et de l’éducation par les APSA à tous les âges de la vie. Il semble méprisant et hasardeux pour nos élèves de se passer de tels professionnels qualifiés et compétents. Par ailleurs, les activités physiques et sportives représentent un terreau propice au développement de compétences pluridisciplinaires à l’école, au collège et au lycée. L’exemple des dispositifs « Classes Sciences et Sport » montre bien l’intérêt de promouvoir l’apprentissage des sciences à partir de supports éducatifs provenant des pratiques sportives et de coordinations poussées entre les professeurs de toutes les disciplines.  Les étudiants formés dans la mention STAPS Éducation et motricité et les enseignants d’EPS ne peuvent qu’être en tout premier lieu concernés. 

 

Cela n’exclut pas une complémentarité des compétences et donc des intervenants issus du monde scolaire (EPS, UNSS, STAPS) et associatif-sportif. Cependant, nous défendons l’idée que l’activité physique et sportive à l’école ne peut pas se réduire à la seule pratique sportive. Les finalités et les enjeux de l’EPS vont bien au-delà et de fait ne sont pas réductibles à ceux des acteurs du sport extrascolaire. Par conséquent, l’absence de coordination institutionnelle qui réussit le tour de force de ne pas impliquer les premiers acteurs concernés de l’Éducation Nationale, inscrit ce dispositif dans un cadre qui manque singulièrement d’ambition ne permettant pas de répondre aux enjeux d’une école de la réussite et du développement de l’élève, encore moins une “école de la confiance” voulue par le ministre.

 

Cette école, nous la souhaitons tous. Faisons-la ensemble ! Nous demandons donc une réévaluation du dispositif Sport, Santé, Culture, Civisme prenant en compte l’ensemble des acteurs du secteur et en priorité les diplômés de l’enseignement supérieur, seuls encadrants présentant des compétences adaptées pour répondre à un dispositif ambitieux quant à la qualité des interventions proposées et aux objectifs d’éducation des jeunes élèves et de nos enfants.

 

Le Conseil d’Administration de la C3D

7 réflexions sur “Animation sportive ou enseignement d’éducation physique et sportive à l’école ?”

  1. Bonjour,
    Il est étonnant de n’évoquer que les « d’éducateurs et d’animateurs sportifs issus des associations sportives municipales » alors que les points concernant les qualifications des intervenants envisagés sont tout aussi stupéfiant:

    page 5 point 4. Qualité des intervenants proposés par les clubs sportifs : « le club devra fournir au GAD une copie des cartes professionnelles en cours de validité des éducateurs sportifs professionnels et, le cas échéant, les informations nécessaires au contrôle du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) des autres intervenants.  »

    « 6. Responsabilité »
    « Les personnes bénévoles (parents,…) participant à ces activités sont considérées comme des collaborateurs occasionnels du service public.  »

    … des « autres intervenants », des bénévoles, des parents ? des diplômés fédéraux ?

    De quels types d’intervenants qualifiés est-il question pour intervenir dans les établissements et dans le temps peri-scolaire ?
    Sommes-nous dans l’éducatif ou dans de la simple garderie ?
    Au regard des conditions règlementaires, est-ce légal ?

  2. Il n’est pas question uniquement de faire intervenir les éducateurs sportifs des clubs .
    Protocole 2S2C point 4:
    « le club devra fournir au GAD une copie des cartes professionnelles en cours de validité des éducateurs sportifs professionnels et, le cas échéant, les informations nécessaires au contrôle du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) des autres intervenants.  »

    … des « autres intervenants », des bénévoles ? des diplômés fédéraux ? sans qualification ?
    Donc quelles sont donc les finalités réelles de ce dispositif ?

    « Point 5. Prise en charge des coûts
    En contrepartie de la réalisation de l’activité sportive, le club percevra une indemnité versée par la collectivité selon des modalités à définir. Le coût de la prestation est dû par les services de l’Etat à la collectivité sur la base du constat du nombre de groupes d’élèves accueillis.

    6. Responsabilité
    Les personnes bénévoles (parents,…) participant à ces activités sont considérées comme des collaborateurs occasionnels du service public.  »

    Donc l’Etat, via les collectivités, va rémunérer des bénévoles pour intervenir dans les établissements scolaires ?

  3. Voilà une prise de position de bon aloi, face aux manoeuvres ministérielles. La fausse solidarité qui les inspire est sous-tendue par une volonté économique et orientée vers un transfert constant au « privé » au détriment du « public!

  4. Bon courage pour la poursuite de votre action revendicative demandant que l’E.PS retrouve sa place légitime dans le système éducatif de la maternelle à l’université et que la qualité de la formation compétente des enseignants d’E.PS soit reconnue. Remerciements.

  5. Bonjour,

    Le dispositif 2S2C pose évidemment question ! Ne pouvait-on pas réfléchir du local au global, si ce n’est collectivement, sous la forme d’un comité de veille et de prospective au processus de déconfinement et du jour d’après ?
    Effectivement si la place de l’EPS est au sein des établissements d’enseignement, nombre d’étudiants de niveau Bac + 2 à 8 – et quelle que soit sa filière – aurait pu enrichir un dispositif transitoire… De l’organisation à la prise en charge des personnes dites en situation particulière, les STAPS ont (je l’espère encore) quelque chose à faire valoir ! ? .
    L’accueil de membres du système sportif au sein des établissements aurait sans doute dû être coordonné voire dirigé par les équipes locales d’EPS (certaines le font peut-être). Effectivement, Sport et EPS n’ont pas les mêmes vocations éducative, formative et morale.
    Après, il est difficile pour des personnes extérieures (même de bonne volonté) d’y comprendre entièrement tout des STAPS : on a d’abord remplacé, sans vraiment le dire, le « et » inclusif en « et » distributif… Et maintenant, on parle d’APSA (bon, la performance est effectivement dans chacune de nos activités quotidiennes, des plus intimes à celles publiques en passant par celles professionnelles) avec une « virgule » entre Physique et Sportive suivi du fameux « et »… Inclusif ou distributif ? EPS-APSA, il faut être bien initié pour y voir forme et contenu.
    Bref, fervent défenseur de l’EPS mais aussi du Sport, enseignant d’EPS et docteur STAPS, intervenant en association sportive, je suis comme tout à chacun… dubitatif et toujours étonné de nos choix et de notre regard heuristique portés sur notre discipline-sciences (techno-sciences ?).
    Merci pour votre billet, passionné, j’y réagis à chaud.
    En travail exceptionnel à distance, je suis disponible pour échanger au besoin.
    Cordialement,
    Alain Schoeny – UFR STAPS Orléans

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