Récemment, au 5 janvier 2022, une proposition de loi visant à « démocratiser le sport en France » a été adoptée par l’Assemblée Nationale, après engagement de la procédure accélérée. Cette proposition de loi fait suite au texte proposé par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication présidée par M. le Sénateur Laurent LAFON.
Ce texte de loi qui doit être voté en séance à partir du mardi 18 Janvier 2022, et plus particulièrement le titre Ier relatif au « développement de la pratique pour le plus grand nombre », a retenu l’attention de plusieurs milliers d’Enseignant·e·s en APA1, et d’étudiants inscrits dans une formation universitaire en STAPS et plus précisément dans la mention nommée « Activité Physique Adaptée et Santé » (APA-S).
Ils s’étonnent de ne pas apparaître comme acteurs clés dans le développement de l’activité physique et du sport au sein des établissements sociaux et médicosociaux alors même qu’ils y exercent des fonctions de professeurs d’EPS (avenant n°292 du 14 janvier 2004) et qu’ils coordonnent des projets individuels de pratique qui de développent dans le droit commun selon une perspective inclusive.
Depuis l’inscription de la prescription d’Activité Physique Adaptée dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé (loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé – Article 144), la satisfaction liée à une reconnaissance légitime et nécessaire pour les Enseignant·e·s en APA dans le domaine de la santé, a rapidement laissé place à la déception, l’étonnement et même l’incompréhension de plusieurs milliers de professionnel·le·s, d’étudiant·e·s et d’universitaires engagés depuis plus de 40 ans dans le domaine de l’Activité Physique Adaptée.
Les axes de la stratégie nationale sport santé 2019-2024 démontrent notamment un manque cruel d’articulation inter-professionnelle sur le terrain, pourtant si importante dans l’accompagnement des publics visés. Soucieux depuis le début d’un parcours de santé où l’activité physique n’a plus à démontrer ses effets bénéfiques pour la santé des pratiquants, et au regard des difficultés d’engagement de la population, des difficultés d’orientation des médecins prescripteurs de cette thérapeutique non médicamenteuse, il apparaît nécessaire de trouver de nouvelles solutions. Permettre à nos collègues masseur-kinésithérapeutes de poursuivre et de mettre à jour cette prescription est peut-être une avancée pour cette profession. Mais qu’en est-il de cette fameuse articulation interprofessionnelle nécessaire avec les Enseignant·e·s en APA et de la reconnaissance de leurs implications et de leurs compétences professionnelles spécifiques à la prise en charge des patients et des personnes en besoin de santé par l’APA ?
L’instauration d’une telle omnipotence des masseur-kinésithérapeutes dans l’orientation des patients et la non-intégration des Enseignant.e.s en APA est réellement problématique en vue de l’interdisciplinarité espérée et si efficiente sur le terrain. Cette proposition est au pire questionnante pour l’orientation des patients et pour l’accessibilité du plus grand nombre aux bénéfices de l’APA et un mépris des réalités du terrain sur la mise en place des initiatives et des stratégies locales de développement de l’APA.
En effet, dans les territoires les Enseignant·e·s en APA (titulaires d’un diplôme de Licence STAPS mention APA-S) complètent l’évaluation médicale pour permettre une prescription adaptée d’activité physique à chacune et chacun des patients adressé(e)s dans le cadre d’un parcours de soin personnalisé. Les Enseignant·e·s en APA assurent par ailleurs la mission de coordination et sont le plus souvent cofinancés par la DRJSCS et l’ARS, ce qui est un signe de reconnaissance en leurs compétences. Notons que la plupart des dispositifs ont par ailleurs été mis en place en lien direct avec les médecins, qui assurent la responsabilité de la prescription. Ces mêmes professionnels sont également un point d’entrée important dans les maisons Sport-santé où ils assument des missions d’évaluation, d’intervention, de coordination, voire de pilotage.
Les textes successifs, décret (décret n° 2016-1990 du 30 décembre 2016 relatif aux conditions de dispensation de l’activité physique adaptée prescrite par le médecin traitant à des patients atteints d’une affection de longue durée) et instruction (instruction du 3 mars 2017 portant guide sur les conditions de dispense de l’activité physique adaptée prescrite par le médecin traitant à des patients atteints d’une affection de longue durée) n’ont cessé d’occulter cette problématique. Cette proposition de loi s’inscrit une nouvelle fois dans l’ignorance des compétences des Enseignant·e·s en APA et de l’impact bénéfique de leur travail sur le terrain, et discrédite les formations et la recherche universitaires promu par l’Etat.
Les connaissances actuelles sur les bénéfices de l’APA sur la santé en France sont le plus souvent obtenues par des recherches interdisciplinaires qui associent les médecins, les chercheurs en STAPS et les Enseignant·e·s en APA. C’est cette articulation formation et recherche universitaires qui permet l’excellence des formations STAPS APA-S de niveau licence, master ou même doctorat et qui contribue à la reconnaissance du métier d’Enseignant·e·s en APA dans les réseaux mis en oeuvre sur les territoires.
Le Consortium National en APA (SFP-APA, C3D STAPS, ANESTAPS, AFAPA, RECAPPS) s’interroge sur ce sujet. Pourquoi ne pas inscrire les Enseignant·e·s en APA spécifiquement formés pour évaluer, concevoir, et encadrer des programmes d’APA dans un tel projet de loi ? Pourquoi ne pas inclure l’Enseignant·e en APA comme ressource et aide à l’orientation de cette APA qui est l’essence même de leur métier après 3 voir 5 années (Enseignant·e·s en APA de niveau Master) de formation pluridisciplinaire et de stages en structures sanitaires, médico-sociales, sociales ou sportives ?
Vous l’avez compris, nous souhaitons faire avancer les politiques sportives et de santé publique visant à améliorer l’état de santé des concitoyen·ne·s français·es par l’activité physique. Il nous est toutefois impossible de mener à bien cette mission si les Enseignant.e.s en APA, professionnel·le·s ressources dans le domaine de la santé et du sport, ne sont pas reconnu.e.s à la hauteur de leurs compétences professionnelles et de leurs implication actuelle dans le parcours de soin des patients. D’autre part, l’injustice liée à l’absence de considération de la formation historique dans le domaine de l’APA finira immanquablement par nourrir rancoeur et colère de façon bien inutile.
En l’état actuel nous demandons a minima :
– La suppression dans l’article Article 1 er ter B de la proposition de loi indiquant que « Le masseur-kinésithérapeute peut renouveler et adapter, sauf indication contraire du médecin, les prescriptions médicales initiales d’activité physique adaptée, dans des conditions définies par décret. ». Si cet article ne pouvait être supprimé, nous vous demandons de ne pas soutenir l’amendement proposé au Sénat d’ouverture de la primo-prescription d’APA par les masseurs kinésithérapeutes qui désorganiserait totalement ce qui fonctionne dans les territoires.
– La reconnaissance des compétences métiers spécifiques de l’enseignant en APA par le rajout d’un article qui définit ses compétences et ses prérogatives mais surtout son rôle central dans la coordination des dispositifs entre le milieu médical et le monde sportif : évaluation, conception et mise en oeuvre de programmes d’APA, co-construction de projets individuels, accompagnement des patients, coordination des professionnels, évaluation des parcours de soin et de santé.
– La réaffirmation des compétences des enseignants en APA à enseigner l’éducation physique spécialisés et à coordonner les dispositifs d’orientation vers le droit commun dans le cadre de projets individuels personnalisés des ESMS
– Une plus grande vigilance dans les textes afin d’éviter les confusions sémantiques entre le sport santé qui vise à promouvoir la pratique d’activité physique et sportive pour tous et l’Activité Physique Adaptée (APA) qui permet l’accompagnement des patients et l’amélioration de leur santé. Les niveaux de formation nécessaires à la prise en charge de ces deux activités ne sont pas comparables entre les éducateurs sportifs et les spécialistes de l’APA comme le stipule l’instruction interministérielle du 3 mars 2017.
Nous sommes disponibles pour vous fournir un éclairage spécifique sur les possibilités d’articulations interprofessionnelles dans le cadre de la prescription d’APA, et la place que pourrait y occuper les Enseignant·e·s en APA afin de rendre le dispositif le plus efficient possible.
Dans l’attente de votre retour, nous vous adressons Madame, Monsieur, l’expression de notre considération la plus sincère
Mathieu Vergnault, président SFP-APA – president@sfp-apa.fr
Aurélien Pichon, président C3D – aurelien.pichon@univ-poitiers.fr
Alain Varray, président AFAPA – alain.varray@umontpellier.fr
Claire Perrin, présidente RECAPPS – claire.perrin@univ-lyon1.fr
Timothée Brun, président ANESTAPS – timothee.brun@anestaps.org