Prérequis à l’entrée à l’université: orientations politiques et éthiques de la C3D

La question des prérequis à l’entrée en licence va s’inscrire de manière prégnante dans le débat universitaire. Le recours massif au tirage au sort dans certaines disciplines, jugé inacceptable par l’opinion publique, les positions prises par la Conférence des Présidents d’Université et par plusieurs Conférences disciplinaires laissent à penser qu’un certain nombre d’acteurs majeurs du système universitaire sont prêts à engager une réflexion de fond pour dépasser la situation actuelle. On peut également rappeler que cette question des prérequis était l’un des thèmes de campagne du Président de la République, qui avait notamment affirmé que « pour remédier au fort taux d’échec des étudiants en cursus de licence, chaque université aura vocation à préciser en toute transparence les prérequis de chacune des formations qu’elle propose dans le cadre d’un contrat de réussite conclu entre l’étudiant et l’établissement ».

Revenir aux principes politiques et éthiques

La Conférence des Directeurs et Doyens de STAPS a engagé lors de son dernier séminaire un débat à ce sujet. Il s’agit pour la C3D d’apporter une réponse politique et pédagogique à ces questions, en tentant de dépasser l’approche administrative et technique qui tendait à prévaloir jusqu’à présent. En clair, il ne s’agit plus de limiter les effets néfastes du tirage au sort mais bien de le dépasser. Plutôt que de replâtrer un dispositif qui fait eau de toutes parts, il paraît nécessaire de repenser le problème en édictant quelques incontournables principes politiques et éthiques.

Il nous semble que l’université doit concilier plusieurs exigences sociétales, qui peuvent parfois paraître antinomiques.

  • Elever le niveau de diplomation de la population française. Cette exigence est concrétisée par l’objectif affiché d’amener 50% d’une classe d’âge au niveau Licence.
  • Promouvoir la réussite et l’employabilité des étudiants qu’elle accueille. Le thème de la réussite des étudiants a été affiché voici plusieurs années lors du « Plan Réussite en Licence ». Il a sans doute été minoré ces derniers temps. Quant à l’employabilité, il s’agit d’une préoccupation récurrente de la dernière décennie, et notamment prise en compte dans l’évaluation de l’offre de formation.
  • Etre en mesure d’attester de la professionnalité de ses diplômés. Il s’agit là d’une exigence à laquelle les STAPS sont sans doute plus soumises que d’autres disciplines, du fait des prérogatives d’intervention accolées à leurs diplômes.

Ces trois exigences forment un système sur lequel chaque discipline universitaire peut poser un regard différent. Celui des STAPS est évidemment orienté par la nature du domaine professionnel qui en légitime l’existence.

Les STAPS forment des professionnels qui vont notamment agir auprès du public, ou organiser cette intervention, dans les métiers de l’enseignement, de l’animation, de l’entraînement, de la réhabilitation, ou des loisirs. Nous avons de ce fait une responsabilité évidente, plus peut-être que d’autres disciplines universitaires, quant à la qualité des compétences que nos diplômes attestent, et à l’homogénéité de cette qualité sur tout le territoire.

Par ailleurs les STAPS « subissent » à l’heure actuelle un engouement sinon déraisonnable, en tous cas non mesuré. Beaucoup de lycéens choisissent ces formations par défaut, sans véritable projet professionnel. Il faut aussi noter que les STAPS sont la seule formation de service public, financièrement accessible, dans le domaine des métiers du sport. L’offre de formation universitaire n’est pas uniquement caractérisée par des frais d’inscriptions réduits : c’est aussi un accompagnement rassurant, en termes de sécurité sociale, de logement, de restauration. L’orientation massive vers les STAPS n’est pas uniquement liée à un déficit d’information sur leur nature véritable, mais aussi au fait qu’elle est la seule accessible pour de nombreux lycéens.

Beaucoup échouent dès la première année, faute d’avoir mesuré les enjeux véritables d’une formation universitaire. D’un autre côté, le tirage au sort auquel nous sommes contraints rejette de nombreux lycéens porteurs d’un projet réaliste dans notre domaine. Cette situation est injuste pour les individus, elle pèse lourdement sur le budget de l’Etat et des familles, elle est enfin parfaitement inutile, par rapport aux trois objectifs que nous avons évoqués précédemment.

Les capacités d’accueil dans les UFR STAPS ne renvoient pas à un souci de confort de fonctionnement. Elles renvoient essentiellement à la capacité d’encadrement des structures STAPS, leur permettant d’assurer une formation satisfaisante. Il ne s’agit certainement pas pour les structures STAPS de se livrer à un malthusianisme étroit, réservant leurs formations aux meilleurs étudiants. Il n’est pas question de réduire les capacités d’accueil actuelles, et nous les augmenterons dès que les moyens qui nous seront alloués l’autoriseront.

Soyons cependant clair à ce niveau : il nous semble nécessaire que l’octroi de moyens destinés à ajuster les capacités d’accueil de STAPS à la demande des étudiants soit piloté au niveau central, et non par les universités. La fermeture récente du Département STAPS de l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, lors même que l’ensemble des formations STAPS de la région parisienne peinaient à faire face à l’afflux des candidatures, est l’exemple même de ce qu’il faut éviter. C’est l’Etat qui doit impulser une politique éducative au plan national.

La question des prérequis

L’instauration de prérequis à l’entrée en Licence n’aurait pour fonction que d’optimiser l’efficacité des formations STAPS : accroître le pourcentage de réussite en ciblant l’effort de formation sur des étudiants ayant construit leur projet dans ce domaine professionnel. Il s’agit d’une responsabilité sociétale évidente. Le rôle de l’université doit être de former les étudiants, et pas de les sélectionner par l’échec.

Il n’est pas non plus question de réserver les formations STAPS à l’élite des bacheliers généraux, et notamment scientifiques. De par la nature des métiers auxquels nos étudiants se destinent, nous avons aussi la responsabilité de construire et de maintenir la mixité sociale de ces professions. L’université doit s’efforcer de maintenir son rôle d’ascenseur social, et une sélection abrupte ne pourrait que renforcer la distribution sociale de la réussite académique.

Des prérequis en STAPS devraient sans doute être plus larges, mais aussi éviter la caricature. On peut rappeler que lors d’une réunion des rectorats d’Ile-de-France, en 2015, il avait été préconisé de conditionner l’admission à la filière par deux prérequis :

  • « avoir présenté au baccalauréat en première et en terminale une épreuve en SVT, ou bien un enseignement scientifique (physique chimie) » ;
  • « le savoir nager ».

Nous avions à l’époque sévèrement critiqué ces propositions, la première renvoyant à une vision assez stéréotypée des STAPS, comme discipline attachée exclusivement aux sciences de la vie (ce qui était peut-être vrai il y a un siècle, lorsque les premiers IREPS ont vu le jour, rattachés aux faculté de médecine), et la seconde révélant une profonde méconnaissance des métiers auxquels les STAPS préparent (si l’on peut supposer que le savoir nager est primordial pour ceux qui se destinent à l’enseignement de l’Education Physique, on peut en discuter la pertinence pour ceux qui se destinent au management), et de plus se révélant discriminatoire en terme d’origine sociale. Mais ce type de proposition indique clairement le danger qu’il y aurait à laisser faire sur ce sujet des représentations de bon sens…

Il n’y a aucune velléité, parmi les responsables des formations STAPS, de retour au « concours d’entrée », essentiellement sportif, qui a existé jusqu’en 1994. Il nous semble que c’est sur le parcours antérieur des candidats, scolaire et extra-scolaire, que le jugement des prérequis peut être réalisé. Certaines Conférences de Doyens ont proposé une entrée de droit pour certains types de baccalauréat (correspondant à la discipline universitaire), et une admission sur dossier pour les autres. Il se trouve cependant qu’il n’existe pas de filière du secondaire correspondant à nos formations, dont le socle est par nature pluridisciplinaire.

Nous proposons plutôt un examen multicritérié des candidatures, au travers de plusieurs domaines de compétences dont le poids relatif reste à déterminer :

– Le domaine des compétences scientifiques, pouvant être attestées par la série de baccalauréat, et les notes obtenues dans les matières scientifiques ;

– Le domaine des compétences littéraires et argumentaires, attestées par les résultats à l’épreuve de français du baccalauréat ou dans les matières économiques et sociales. Le “savoir manier la langue” reste un prérequis indispensable dans nos formations ;

– Le domaine des compétences sportives, qui pourraient être attestées par la production de licences sportives, le parcours UNSS au cours de la scolarité, le fait d’avoir intégré des enseignements facultatifs d’EPS au lycée, et évidemment le statut de sportif de haut-niveau. A noter que la note d’EPS au baccalauréat n’aurait paradoxalement que peu d’intérêt pour départager des candidats en STAPS…

– Le domaine de l’investissement associatif et des responsabilités collectives : la possession d’un BAFA ou de brevets fédéraux, le travail d’animateur en club sportif, la qualité de jeune arbitre UNSS ou fédéral, les engagements divers (secouristes ou pompiers par exemple).

On ajouterait volontiers d’autres critères, liés à la motivation, au projet professionnel, aux passions poursuivies avec assiduité (y compris artistiques). Mais il semble plus difficile d’en attester l’authenticité, dans le cadre d’une procédure d’orientation qui doit demeurer transparente.

On aura compris qu’aucun de ces critères n’a de caractère absolu. C’est avant tout sur un profil que l’orientation doit être réalisée, en admettant que de multiples profils peuvent mener à la réussite, à l’appui d’une démarche active de recensement de ses prérequis de la part du candidat. L’analyse de ces profils doit mener à une véritable orientation des lycéens.

Des conséquences à mesurer, un dispositif à accompagner

Il est clair cependant que si l’offre de formation proposée est unique, cette orientation deviendra de fait une sélection. Ce processus d’orientation doit nécessairement être accompagné de deux évolutions majeures. Il s’agit d’une part de la diversification des voies de réussite et de formation à l’université (formations professionnelles courtes notamment, et les STAPS restent attachés aux DEUST, qui offrent des pistes de réussite à des jeunes bacheliers qui seraient en échec en Licence générale). Il s’agit par ailleurs de la construction de passerelles avec les formations extra-universitaires, organisées notamment par le Ministère des Sports et par les branches professionnelles. Nous tentons depuis quelques années de permettre la fluidification des parcours de formations des jeunes, entre formations universitaires et extra-universitaires. La solution est de manière évidente dans la coopération et le partenariat entre ces systèmes, plutôt que dans une concurrence délétère. Nous souhaitons que les nouvelles administrations relancent la dynamique du Comité de Concertation créé en 2013, qui devait apporter des solutions pérennes à la formation aux emplois sportifs.

Enfin, dans la mesure où les universités prendraient la main sur la composition de leur public, il est clair qu’elles acquéraient une responsabilité envers sa réussite. La mise en œuvre de prérequis à l’entrée à l’université devrait déboucher sur un accroissement spectaculaire des taux de réussite, non seulement parce que les étudiants présenteraient un profil plus favorable à la réussite, mais aussi parce que les équipes pédagogiques auraient décidé de leur faire confiance. Il convient cependant d’anticiper les effets à moyen terme de cette réussite prévisible : un accroissement des effectifs aux niveaux suivants de la Licence, une pression plus importante en Master, une exigence plus marquée de travailler à l’insertion professionnelle des étudiants. Les moyens d’encadrement, humains et matériels, devront suivre pour faire face à cette nouvelle efficacité de l’université.

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