Il s’agissait tout d’abord de maintenir dans un premier temps et d’accroître dès que possible les capacités d’accueil. Il est important de le souligner à destination de ceux qui pourraient a posteriori nous accuser de malthusianisme. Cet accroissement des capacités ne pourra pas se faire en demandant aux structures existantes d’accueillir de plus en plus d’étudiants. Dans certaines académies fortement déficitaires, seule l’ouverture de nouveaux UFR ou départements STAPS permettra de prendre en compte la demande locale.

Il s’agissait en second lieu de diversifier l’offre de formation universitaire, notamment en développant les formations professionnelles courtes telles que les DEUST. Ces formations offrent des voies de réussite et d’insertion professionnelle à des étudiants qui seraient en échec dans les Licences généralistes. Depuis la réforme du LMD, l’orthodoxie universitaire s’applique à faire disparaître ces formations. Il serait temps que l’on admette que face à la massification du public universitaire, la diversification de l’offre de formation est une condition essentielle à la réussite de tous.

La troisième proposition visait à harmoniser les formations aux métiers du sport et de l’activité physique, actuellement dispersées entre l’Université, le Ministère des Sports, les branches professionnelles et les fédérations sportives. Ces systèmes de formation, souvent concurrents, constituent un ensemble illisible et déroutant, tant pour les étudiants que pour les employeurs. Un effort doit être accompli pour construire une offre de formation concertée, permettant reconnaissances mutuelles, réorientations et reprises d’études.

Enfin nous avons proposé le recours transitoire, tant que les capacités d’accueil ne permettaient pas de couvrir la demande, à l’examen des dossiers de candidature sur la base d’un ensemble de compétences couvrant quatre domaines (1) les compétences scientifiques, (2) les compétences littéraires et argumentaires, (3) les compétences sportives, et (4) les compétences citoyennes et l’engagement associatif. Il s’agissait pour nous de dépasser le principe d’un critère unique et bloquant, de pouvoir envisager une diversité de profils. Le souci principal était d’éviter de laisser à la porte de l’université, comme c’est le cas actuellement, des milliers de candidats ayant longuement préparé leur projet, présentant tous les gages de réussite, et écartés par un tirage au sort aveugle. Les trois premières propositions ne se mettront pas en place d’un coup de baguette magique. Il faudra une volonté politique consistante, un engagement des universités, une solidarité de la communauté STAPS, et aussi une collaboration effective de nos partenaires, notamment du Ministère des Sports. La C3D travaille depuis suffisamment longtemps sur ces sujets pour qu’on ne puisse la suspecter de manquer de volonté politique à cet égard. Ces quatre propositions doivent être considérées comme un système indissociable. Les ramener à une simple perspective de sélection à l’entrée à l’université est un raccourci facile, peut être utile politiquement, mais méprisant à l’égard des réflexions qui ont animé notre communauté.

On nous fait maintenant comprendre par petites touches qu’une telle procédure poserait des problèmes techniques, que les seuls domaines de compétence susceptibles d’être pris en compte seraient ceux qui relèvent des résultats scolaires, que les candidats jugés trop éloignés des exigences de l’université devraient être reçus individuellement, se voir proposer une formation alternative, et in fine devront sans doute être acceptés s’ils persistent dans leurs vœux. Bref, des perspectives qui n’augurent rien de bon pour la prochaine rentrée universitaire et qui risquent de reproduire les dérives que nous traversons actuellement. Il nous semble nécessaire de relancer les discussions sur des bases plus assurées. Nous en appelons à la lucidité de chacun et au courage politique de nos tutelles. Rester crispés sur des postures idéologiques intenables ne peut mener qu’à l’impasse. L’une de ces postures est d’affirmer que l’université ne doit accueillir que les étudiants possédant les prérequis nécessaires à la réussite. Nous avons explicitement rejeté cette option en rappelant l’exigence de démocratisation de l’enseignement supérieur et notre souci de mixité sociale au sein de nos formations. La seconde est de clamer que tout étudiant doit pouvoir s’inscrire dans la filière de son choix, et que le baccalauréat atteste de manière absolue d’une capacité à s’inscrire dans un projet universitaire. Ce principe ayant été posé dans d’autres contextes, il s’avère aujourd’hui parfaitement inopérant, sinon obsolète. Qui ne pourrait en convenir ?

Il faut peut-être relativiser le postulat selon lequel les candidats à l’entrée à l’université sont tous avides de savoir et porteurs de projets consistants. 10% des lycéens ayant obtenu une place au tirage au sort ne sont jamais venus s’inscrire. Lors des premières évaluations réalisées 15 jours après la rentrée à Montpellier, 10% des étudiants inscrits étaient absents. Pendant ce temps, nous recevons toujours des dizaines de messages de candidats écœurés d’avoir été évincés par le hasard. On peut comprendre que les organisations étudiantes ne puissent ostensiblement adhérer à l’idée de prérequis. Surtout à un moment où se joue une question de leadership entre les deux organisations principales. Mais accueillir sans discernement tous ceux qui désirent mener des études supérieures, dans l’état actuel des universités, c’est institutionnaliser un droit à l’échec, c’est organiser sciemment une politique d’écrémage en première année de Licence dont les conséquences sont particulièrement lourdes, individuellement, socialement et économiquement. Lorsque cette évolution sera effective, ceux qui auront activement milité pour cette solution devront assumer.

Nous reconnaissons que les étudiants ont des droits. Ils sont essentiels pour sécuriser les parcours de formation. Il ne faudrait cependant pas que l’université n’ait en regard que des devoirs. La réussite et l’orientation ne peuvent relever que du désir, et doivent aussi se mériter. Et notamment les enseignants doivent avoir la possibilité d’émettre des avis prescriptifs sur des poursuites d’études. Dire à un étudiant qu’il se trompe de projet, qu’il n’aura pas les moyens de le mener à son terme, lui proposer d’autres voies d’accomplissement, c’est avant tout montrer qu’on le respecte. C’est un courage pédagogique qu’il faut oser réhabiliter. Et ceci est vrai aussi pour l’entrée à l’université.

J’entends ceux qui professent le renouvellement pédagogique, et notamment le recours aux technologies numériques, comme LA solution pour absorber l’afflux des vocations universitaires. Si l’objectif est de déverser le maximum de connaissances à un maximum d’étudiants, cette solution peut être investiguée. Mais si l’on vise la réussite et la construction de compétences effectives, il faut peut être penser autrement.

Bien sûr on peut aussi résoudre le problème en réduisant le niveau d’exigence : multiplier les interventions magistrales, réduire les interactions entre enseignants et étudiants, déléguer certains enseignements pratiques aux clubs sportifs. C’est oublier que l’université a des responsabilités vis-à-vis des compétences que sont sensés conférer ses diplômes. Dès la fin de la seconde année, les étudiants peuvent obtenir une carte professionnelle qui leur permet d’intervenir auprès du public. La plupart des parcours de Licence sont inscrits au Code du Sport, et porteurs de prérogatives d’intervention spécifiques. Diminuer le niveau d’exigence, ce serait rompre le contrat de confiance qui nous lie aux employeurs et au public. Certains ont déjà fait un pas dans ce sens en imposant la compensation généralisée en Licence. Proposition démagogique, qui fait fi des exigences de la formation professionnelle.

Soyons lucide : on ne peut pas demander simultanément à l’université d’accueillir tous les bacheliers, de permettre à la majorité d’entre eux de décrocher leurs diplômes, d’assurer de plus leur insertion professionnelle, et évidemment de gagner des places dans les classements internationaux. Le tout dans un contexte de pénurie budgétaire qui bloque depuis des années créations de postes et perspectives de carrière. Si ces exigences ont été formulées par des bureaux différents du ministère, qu’ils se coordonnent a minima.

Les STAPS ont fait des efforts démesurés pour faire face à la situation. Nous n’avons limité nos capacités d’accueil qu’avec réticence, lorsque la sécurité des étudiants ne pouvait plus être raisonnablement assurée. Lors de cette rentrée, certains UFR ont consentis des efforts supplémentaires pour satisfaire l’ensemble des vœux de leur académie. Les équipes administratives s’épuisent à construire des emplois du temps de plus en plus tendus, à la recherche de salles et d’installations sportives disponibles. Les responsables de diplômes sont à la recherche d’enseignants vacataires pour pallier à l’insuffisance d’encadrement. La C3D a l’impression d’avoir fait des propositions complètes, équilibrées et justes. Elle n’apprécierait pas d’être lâchée au milieu du gué. Elle apprécierait encore moins que des avancées lucides, concrètes et pragmatiques ne puissent être envisagées.